lundi 11 mars 2019

Des plumes et des pierres

L'aventure "LA SEMILLA", c'est parfois des demandes des Koguis que nous n'aurions jamais imaginées. C'est pour cela que c'est un chemin passionnant, un chemin d'écoute et de surprises. Lorsque les Koguis nous ont demandé de les aider à retrouver des plumes de certains oiseaux pour reconstituer leurs couronnes rituelles ou lorsque, plus récemment il s'agissait de récupérer certaines pierres utilisées par les mamás, nous ne savions pas par où commencer, et pourtant...

Souvent on me demande "Quel est le projet de LA SEMILLA ?". J'essaie alors d'adapter la réponse à mon interlocuteur mais elle prend souvent la forme d'un "Créer un pont par la culture et l'éducation avec les peuples premiers de la Sierra Nevada" ou un "Aider à la reconnaissance, la préservation et la transmission de la culture de ces peuples, en particulier des indiens Koguis". Alors on me demande: "Mais concrètement ?". J'explique alors notre projet de documentation audio-visuelle, commencé par la fête traditionnelle d'été des Koguis, ou celui du centre culturel. Mais il faut reconnaître que cette réponse est incomplète. Incomplète car la réalité, les demandes et les nécessités que nous expriment les Koguis avec qui nous travaillons sont en mouvement constant, un dynamisme vivant qui demande une remise en question, une adaptation et un réajustement permanent de notre pensée, notre travail et nos actions. Ce n'est probablement pas évident à comprendre depuis la France ou l'Espagne. Tout comme il n'est pas facile d'expliquer la demande que nous a faite le mamá kogui Juan Conchacala il y a presque deux ans : retrouver des plumes de certains oiseaux devenus aujourd'hui rares ou inexistants dans la Sierra Nevada. Elles jouent un rôle central dans certaines danses réalisées dans les villages "principaux" situés dans les zones hautes de la Sierra, dans les jours qui suivent le solstice d'hiver. Le mamá nous retransmettait une demande des "mamás mayores" de la "capitale spirituelle" de la Sierra Nevada de Santa Marta. Une demande très importante pour eux, qui touche au sacré.

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             Couronne de plumes Koguie abîmée

Pourtant, comment expliquer cela à un organisme de financement ou même à notre assemblée générale ? Nous sommes loin du quotidien parisien et des manifestations des gilets jaunes ou même d'une approche classique de l'écologie... C'est probablement pour cela qu'il m'a fallu autant de temps pour écrire ce billet, pourtant déjà esquissé à la fin d'une publication de décembre 2017 où nous évoquions ces autres projets ponctuels portés par la nécessité.

De l'Amazonie à la Sierra Nevada

Comment aussi trouver ces plumes ? Il s'agissait tout d'abord de certaines plumes de grands perroquets et d'un oiseau de la guajira appelé "pajaro cardenal".

De retour sur Bogotá, alors que j'étais pensif mais déterminé sur cette demande dont j'avais perçu l'importance et la profondeur, un homme surgit du trottoir et me demande de le prendre en photo devant un massif de fleurs. Je prends la photo et la discussion s'engage rapidement. Il s'appelle Edgar Segarra, il est artiste-peintre d'origine équatorienne. Il a repris la peinture mais me raconte qu'il avait mis entre parenthèse sa production artistique quelques années pour cheminer au côté de différentes ethnies indiennes, en particuliers celles d'Amazonie équatorienne. Il me raconte comment ce cheminement personnel lui a permis d'approfondir sa recherche artistique. Je lui parle alors de LA SEMILLA, des Koguis, des plumes... Rapidement, la discussion prend un tour enthousiaste et passionné. Naît alors l’idée folle qu'il parte quelques semaines en Équateur pour reprendre contact avec ses anciens amis indiens et partir à la recherche de ces plumes. Un voyage épique à Quito, puis Cuenca et finalement la forêt amazonienne, de concert avec les indiens Shuar, Achuar et Cofanes qui se fera peu après. Je suivrai l'expédition à distance, par téléphone: elle est pleine de rebondissements et il serait difficile de tout raconter ici. De cette recherche des plumes, Edgar en fera même un tableau qu'il nommera "Vida" (Vie) et qu'il offrira spontanément au Président de la République d’Équateur (Lenin Moreno), rencontré "par hasard" lors de sa venue pour la célébration de l'Indépendance à Cuenca ! (*)

Edgar_y_Lenin_Moreno.jpg Edgar Segarra avec le tableau "Vida" et le Président Lenin Moreno

Finalement les plumes se laisseront approcher et seront remises à Edgar par les indiens: plusieurs couronnes, deux ailes complètes magnifiques et des plumes "en vrac". Un bel échange entre des ethnies indiennes éloignées et qui ont encore conservé une culture millénaire: de l'Amazonie et la Sierra Nevada de Santa Marta, des poumons du monde et du cœur du monde... Tout n'est pas encore fait pourtant car les plumes sont encore d’Équateur. Mais de rencontre en démarche et nous obtenons juste à temps l'autorisation de sortie du pays par la "Dirección de riesgos del patrimonio cultural" de la République d’Équateur (la veille du départ d'Edgar...).

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Les plumes arrivent alors à Bogotá, peu de temps avant un de mes voyages pour la Sierra. Nous sommes fin 2017 et le voyage épique continue jusqu'à Yinkuamero où le mamá Conchaca nous accueille. Il sait que nous avons les plumes. Comme d'habitude, la communauté met à notre disposition une maison du village, où nous tendons nos hamacs et allumons un feu pour nous restaurer et nous reposer un peu après ces longues heures de marche. Le soir, le mamá vient nous rendre visite. Je sors alors le carton de mon sac à dos, que je n'ai pas lâché d'une semelle de tout le voyage. Sous la lueur du feu je les présente au mamá, les ailes d'abord, bleues à l'extérieur et jaunes à l'intérieur, les couronnes ensuite avec de grandes plumes rouges au centre, puis un sac de plumes de perroquets, plus petites. Le mamá les prend et les observe une à une, sa concentration est intense. Puis, il me regarde, je le regarde dans les yeux et lui souris. J'arrive à peine à dissimuler une pointe de fierté pour avoir réussi cette "mission impossible" mais je ne dis rien. Alors il reprend les plumes une à une, en disant en espagnol "Celles-ci ne nous servent pas, celle-là non plus, et non plus.". Puis il me regarde intensément dans les yeux et me dit en espagnol sur un ton on ne peut plus sérieux :"Alors que fait-on ? On les brûle ?". Ma respiration se coupe et je manque de m'étouffer. Un long silence. Puis je lui dis :"C'est la chose la plus difficile que nous ayons eu à faire depuis le début.". Il reprend les plumes à nouveau, les repasse en revue et me dit: "Celles-là nous allons les utiliser pour la fête ici, celles-ci iront à notre capitale spirituelle.". Le mamá a piqué mon ego sur sa pointe et a testé ma patience. Il rigole alors de la peur qu'il m'a donnée. Cela fait partie de ces petites "mises à l'épreuve" dont parlait Carolina Ortiz dans l'article précédent... Le lendemain, nous irons sur un site sacré (un "eshuama" en langue Koguie) pour remettre "officiellement" les plumes. Le moment est solennel et intense...

Remise_plumes_mama.jpg

       Remise d'une des couronnes de plumes au mamá Juan Conchacala

Lors d'autres voyages, nous aurons l'occasion de remettre au mamá d'autres types de plumes, d'Ibis rouges notamment, récoltées dans la région colombienne d'Arauca grâce à l'aide de mon voisin et ami Pedro. Plusieurs fois, le mamá Conchacala me dira: les mamás d'en haut te remercient et te saluent. Seules les plumes de "pajaro cardenal" n'ont pas encore été trouvées.

Des pierres

Si les plumes servent pour des danses sacrées visant à rétablir les déséquilibres de la nature, les pierres - qui pour les Koguis sont vivantes - peuvent servir aux mamás à de nombreuses occasions que nous sommes bien loin de connaître dans le détail. Les quartz par exemple servent pour le travail sur l'eau et sont selon les Koguis les "gardiens de l'eau". On peut d'ailleurs mentionner un court-métrage colombien très intéressant sur ce sujet : Corazón de agua. Mais les mamás Koguis utilisent aussi de nombreuses pierres qu'on ne trouve pas en l'état dans la nature. Ils nous expliquent qu'elles leur ont été transmises par leurs ancêtres mais qu'eux ont perdu la connaissance pour les faire. Certaines d'entre elles ont par exemple des formes de cylindres percés par un trou parfait et on se demande bien comment elles ont pu être réalisées. Il y en a de nombreuses sortes. Nous n'en montrons ici que quelques-unes:

selection_pierres.png

Je n'entrerai pas plus dans les détails ici mais je soulignerai juste que lorsqu'un mamá a terminé sa formation, qui peut durer jusqu'à plus de 18 ans pour les "mamás mayores", la première chose qu'il reçoit c'est justement ces pierres. Or, du fait que nombre de ces pierres revêtent un caractère "archéologique" et ont aujourd'hui une valeur commerciale dans "notre monde", beaucoup ont été volées, ou pillées sur des sites sacrés ou même dans des sépultures. Le mamá nous a redit récemment que les mamás mayores d'en haut ont exprimé de nouveau leur besoin d'en récupérer plus pour pouvoir réaliser leur travail : soigner la Sierra pour soigner la Terre... Comment allons nous faire pour répondre à cette demande ? Nous ne savons pas encore...

Récupérer les trésors volés

Au-delà des pierres, les Koguis, comme beaucoup de peuples autochtones se sont vus voler et piller de nombreux objets, pour eux sacrés et avec des rôles spirituels précis: des masques, des objets en or, etc. Souvent, ils ont été pris dans des sépultures ou des lieux sacrés qui ont été pillés. Que dirait-on si des gens venaient dans nos cimetières piller les tombes de nos ancêtres ? C'est pourtant de là que viennent beaucoup de trésors archéologiques qui finissent derrière des vitrines dans des musées ou dans des collections privées. On dit que l'histoire est écrite par ceux qui gagnent les guerres et - en tant qu'européens - nous n'avons pas ou peu conscience de ce fait. Il m'a fallu du temps pour mesurer et comprendre la violence de ces actes et le rôle central que jouent ces objets sacrés dans le travail que font les Koguis et bien d'autres cultures autochtones. L'idée de restitution - tellement évidente lorsqu'on y réfléchit - est pourtant presque nouvelle. Mais des initiatives commencent voient aujourd'hui et enfin le jour. La France a récemment commencé à parler de restitutions vers l'Afrique. Il y a trois ans, une collectionneuse belge (Dora Janssen) restituait aux Koguis par l'entremise de l'association Tchendukua, des objets précolombiens. Un changement de paradigme et le début d'un chemin de respect et de reconnaissance qui pourrait bénéficier à tous...

(*) Il faut préciser que la remise du tableau au Président Lenin Moreno a été faite à Cuenca de manière réelle symbolique. Le tableau est toujours à Cuenca. Actuellement, notre association, avec Edgar Segarra, est en train de se rapprocher de la Présidence de la République d’Équateur pour organiser une remise officielle et célébrer au passage ce bel échange entre deux pays, la Colombie et l’Équateur, et des ethnies indiennes apparemment éloignées mais avec un même lien organique avec la nature.

vendredi 14 décembre 2018

Rendez-vous en Terre Koguie

Le 4 décembre dernier, la télévision française a présenté le programme « Rendez-vous en terre inconnue » qui emmène en général une personnalité dans une communauté "exotique". C’était pour l'animateur Frédéric Lopez le dernier programme d'une série commencée en 2004 et devenue un des programmes préférés des Français. Pour sa dernière, l'animateur a choisi d'emmener l'astronaute Thomas Pesquet dans le territoire des indiens Koguis, dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, dans laquelle notre association travaille.

Rendez-vous_en_terre_inconnue_1.jpg

Beaucoup de gens ont vu ce programme. Certaines personnes de notre entourage nous ont demandé : "Mais cette émission, elle montre vraiment les choses telles qu'elles sont, elle est fidèle à la réalité, qu'en penses-tu ?...". Comme il est vrai que c'est la première fois qu'une émission avec une audience aussi large parle des Koguis (parfois "Kogis" ou "Kaggabas"), nous donnons donc ici la parole à la chercheuse Carolina Ortiz Ricaurte, ethnolinguiste spécialiste en langue et culture Koguie depuis 1984 et à Stéphane Labarthe, président de notre association, basé en Colombie et qui va régulièrement leur rendre visite...

L'avis de Carolina Ortiz Ricaurte (chercheuse, Ethnolinguiste chez les Kogui depuis 1984 et membre de notre association)

Très intéressant, ce programme. Un véritable dialogue des cultures, où les Français essayaient de comprendre les Koguis, par le biais de cette famille qui les a reçus, et les Koguis essayaient de comprendre la culture française par le biais de ces personnalités. Dans ce dialogue culturel, les participants ont joué. Le verbe "jouer" ("jugar") en espagnol a comme sens premier celui de « s’amuser », et je le dis avec ce sens. Jouer en français a aussi le sens de "tenir un rôle", dans une comédie ou un drame, mais par extension aussi dans la comédie humaine. Je donne aussi ce sens français au verbe jouer. Et ils l’ont très bien fait, ils ont joué avec beaucoup d’habileté. Les Koguis se sont amusés à faire travailler très dur les Français, dans leur façon d’utiliser la force par exemple : ils les ont fait déplacer le pressoir à canne à sucre, travail que font normalement des bœufs, des ânes, des mules ou des chevaux ; et il semble que les Français ont exagéré leur rôle de stoïques, en l'acceptant. En tout cas, ils se sont avérés avoir une grande endurance, et c’est cela que mesurent les Koguis avec leurs épreuves. Cela faisait aussi partie du jeu. De leur côté, les Kogui ont eu beaucoup de difficultés à comprendre comment on peut voyager dans l’espace et voir la terre d’en haut. L’explication devant les caméras n’était pas non plus très claire. Les images que leur a montrées Thomas n’étaient pas très éloquentes pour eux. Cela faisait aussi partie du jeu.

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Les Koguis pratiquent une religion dans laquelle la fertilité-maternité est primordiale, et où le sens profond de la vie est de protéger la Terre-Mère. La Mère est omniprésente. En Occident, nous dirions que c’est une pensée « écologiste », mais elle va bien au-delà de l’écologie.

Je crois que le programme a été un succès pour les Français et les Koguis. Eux tous ont fait passer leur message. Le message que les Koguis nous ont envoyé est de prendre soin de la terre. Elle est notre mère. Elle est généreuse et nous donne la nourriture, et apaise notre soif. Elle nous donne refuge, nous obtenons d’elle les matériaux de construction pour nos maisons, et le coton pour nous habiller ; elle nous donne tout, et nous devons lui être reconnaissants et danser et chanter pour elle, et surtout, prendre soin d’elle, parce que si nous ne le faisons pas, nous allons provoquer sa fureur qui nous apportera beaucoup de maux (inondations, tempêtes, volcans, ouragans, tremblements de terre, etc.). La terre ne fait pas que donner, elle réclame également des soins. Nous devons le comprendre.

Merci à Frédéric Lopez pour son dernier « Rendez-vous en terre inconnue ». Je regrette que cela ait été son dernier programme, j’en ai vu certains et je les ai tous aimés. Merci également à Thomas Pesquet, qui s’est avéré avoir une grande tempérance. À eux deux, ils ont réussi quelque chose de très intéressant. Merci également à l’équipe, parce qu’elle nous a offert quelques belles images de la Sierra, du village Kogui de San Francisco et des chemins. Très bonne équipe technique.

Les impressions de Stéphane Labarthe (président de LA SEMILLA)

Globalement, j'ai été agréablement surpris et même par moments ému de ce qu'une émission à grande écoute réussisse dialogue et transmission d'une culture aussi lointaine, complexe et profonde que celle des Koguis. L'attitude humble et respectueuse de Frédéric Lopez et Thomas Pesquet y est probablement pour beaucoup. Elle est d'ailleurs annoncée dès le début du programme par ces propos de l'animateur : "C'est un peuple hors du commun qui a une relation avec la nature, avec l'espace et avec l'Univers. Depuis le début de Rendez-vous en terre inconnue, on n'a jamais rencontré un peuple qui a une vision aussi claire de l'équilibre nécessaire à la vie sur terre.".

Alors certes, il y a des scènes qui sont un peu jouées comme le dit Carolina, et parfois des approximations dans la difficile compréhension de la vision du Monde qu'ont les Koguis. Par exemple, la notion de Mère ("Hava" en Kogui) et de "Père" ("Hate"). Selon ma compréhension, pour les Koguis, toute chose a une origine spirituelle, qui se décline en une partie féminine, la Mère, et une partie masculine le Père, en équilibre. Ainsi, chaque chose a une Mère et un Père et il existe une Mère Universelle ("Seineken") et un Père Universel ("Seyankua"). Cette vision se retrouve par exemple dans une des vidéos que nous avons mis en ligne où le mamá Kogui Juan Conchacala explique : "Comment pouvons-nous imaginer vivre dans un monde sans eau ? Nous autres, savons encore comment payer le Père et la Mère de l'eau. Nous faisons des paiements. Ces paiements ne sont pas avec de l'argent. Nous payons la Mère et le Père sur un plan spirituel.". Notre société occidentale, en revanche, a perdu beaucoup de cette part "féminine", qu'on trouve encore dans les cultures orientales (le Yin des Chinois ou le prakriti des hindous) . Cela se retrouve depuis ce qu'il reste de nos conceptions religieuses avec un "Dieu le Père" masculinisé - alors que la Genèse évoque pourtant un Dieu "mâle et femelle" - jusqu'à notre architecture qui privilégie la ligne droite et les angles droits au cercle et à la courbe. Et il faut reconnaître que l'égalitarisme des sexes et nos tentatives de parité restent une vaste farce dans une société où l'immense majorité de nos dirigeants, qu'ils soient politiques, religieux, économiques et financiers restent des hommes conseillés par des hommes et où le peu de femmes qui sont présentes ont parfois renié leur féminité pour devenir des Margareth Tatcher ou des Angela Merkel... Alors on me dira que cette émission montre peu le monde des femmes chez les Koguis et leur place réelle, et c'est vrai. Elle montre peu le tissage des mochilas, ne montre pas la "nuhée" des femmes ou le rôle important des "sagas" (autorités spirituelles féminines ; littéralement "mama" signifie "soleil" et "saga" signifie "lune") dans les processus de décision. C'est normal car nos deux visiteurs sont des hommes et il leur était donc plus difficile d'accéder à cette partie de la culture Koguie.

Mais une émission de ce type ne pouvait pas ni ne devait pas tout montrer. L'important est que les rapports humains établis petit à petit par Thomas Pesquet et Frédéric Lopez, les images, les paroles des Koguis aient finalement permis de faire passer beaucoup de choses. Un autre rapport au temps, des longues conversations dans la nuit qui recherchent un dialogue véritable et profond et un accord unanime, une relation organique et équilibrée avec une nature encore préservée, une force intérieure qui a permis aux Koguis de traverser une histoire récente extrêmement difficile, etc. Et au final, une nécessité commune exprimée dans ce moment de dialogue après que Thomas Pesquet ait montré les photos de son voyage dans l'espace : protéger et se faire responsable de notre Planète sur laquelle nous vivons tous...

Rendez-vous_en_terre_inconnue_3.jpg

Merci donc à Thomas Pesquet, Frédéric Lopez et son équipe, pour ce travail.

Pour celles/eux qui sont intéressé(e)s le programme est visible ici.

Si d'autres personnes souhaitent partager leurs opinions, ce blog permet de laisser des commentaires.

mercredi 31 janvier 2018

2018 : Continuez ou commencez à cheminer à nos côtés !

En ce dernier jour de janvier, nous remercions une fois de plus tout ce qui nous ont soutenu durant cette année 2017. C'est en effet grâce à vos dons et à l'aide de certaines personnes qui nous aidées sur le terrain, que nous avons pu mener à bien les projets mentionnés dans les articles de ce blog.

Tout d'abord (il est encore temps...) : Bonne année 2018 ! à celles et ceux à qui nous ne l'avons pas encore souhaitée avec cette très belle carte, dessinée par Paola membre de notre CA.

Carte_Voeux_2018.jpg

Nous voulons évidemment vous inviter à continuer à nous soutenir car nos projets nécessitent une aide financière et les dépenses que nous effectuons sur le terrain, ce sont aujourd'hui vos dons. Pour devenir membre e LA SEMILLA ou renouveler votre adhésion, vous trouverez une page dédiée sur la plateforme Hello Asso (cliquer sur l'image) :

Adhesion_La_Semilla_2018.png

Remarque: d'autres moyens que la souscription en ligne sont aussi possibles, voir ici.

Continuer ce chemin, tisser un lien avec les indiens de la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie pour créer un pont par la culture avec une civilisation millénaire qui peut nous apprendre beaucoup en ces temps de chamboulement de notre société, c'est l'objet de cette petite vidéo faite en fin d'année par nos amis de Seïneken. Vous pourrez y voir nos "grands frères" (comme ils se nomment) les koguis et presque toute notre équipe :

Youtube-video.jpg, oct. 2021

Par ordre d'apparition) : Inocencio musicien kogui, Jimmy secrétaire de notre association et qui travaille depuis 25 ans avec les Koguis, moi-même, Juan-Pablo de Seïneken qui a réalisé cette vidéo, le mama mayor Counchacala qui a été formé pendant plus de vingt ans dans l'obscurité et le silence des grottes des sommets de la Sierra Nevada, le mama Mathias qui effectue une danse sacrée, beaucoup de Koguis hommes et femmes des villages de Tungueka et Yinkuamero, Mathilde notre bénévole et l'équipe de tournage de Seïneken (Juan-Pablo, Juanes et Diana).

Pour que l'aventure continue, ensemble !

mercredi 17 janvier 2018

Lumières dans la Sierra !

Quand nous avons entamé le projet de film documentaire sur les fêtes traditionnelles des indiens Koguis, il y a un an et à leur demande, deux objectifs émergeaient alors : aider les Koguis dans leur processus de sauvegarde et de préservation de leur culture en réalisant du matériel vidéo, sonore et photographique pour eux, et produire une version "pour le monde", porteuse du message qu'ils souhaitaient transmettre à l'extérieur. Après un an de travail, un tournage en quatre phases, une traduction Kogui-Espagnol des interviews réalisées et une première édition, nous pouvons dire que la premier objectif est en grande partie réalisé avec ce cadeau de Noël aux Koguis : une exposition de photo et une projection de 40 minutes ce 25 décembre dernier, en pleine Sierra.

Ceci était doublement inédit pour nous et pour les Koguis du village de Yinkuamero. Inédit parce dans un village à 6 heures de marche de la première prise électrique, les Koguis de Yinkuamero n'avaient jamais eu l'occasion d'un tel évènement : une projection cinématographique sur eux, sur leur vie, leur tradition et dans leur langue. Inédit aussi parce que souvent les Koguis ont eu des expériences décevantes avec leurs "petits frères" (nous, les non indiens...) qui souvent leur ont pris beaucoup sans leur donner rien en retour : leurs objets en or sans en connaître ni comprendre la dimension spirituelle, des images et des vidéos, leurs connaissances sur les plantes, les richesses minières de leur territoire sacré, etc. C'est pourquoi il était important pour nous de commencer par eux : tenir notre promesse et cet engagement en réponse à leur demande.

Nous voilà donc partis avec du matériel fonctionnant sur batterie dans un sac à dos "waterproof" : un ordinateur portable, un vidéo-projecteur et un petit amplificateur que nous installerons avec les moyens du bords:

Installation_du_materiel.jpg

Certains d'entre eux ont déjà vu des télés dans les échoppes du village non indien le plus proche : Rio Ancho. Mais ces télés diffusent des images, une culture et des valeurs qui ne sont pas les leurs, dans une langue qui n'est pas la leur. Ce soir c'est leur culture qu'ils voient, leurs images, la voix de leur mama qui leur raconte en langue koguie leur histoire, leur sagesse...

Projection_dans_la_Sierra.png

Projection_2.jpg

Si ce type de matériel audio, sonore et photographique a vocation a être conservé et diffusé à nouveau dans le centre éducatif et culturel que nous pensons créer, il était important de leur laisser aussi quelque-chose de plus tangible sur le moment. C'est pourquoi, en plus et en lien avec la projection, nous avons aussi réalisé une exposition de 50 photos que nous leur avons laissées. Là aussi, l'émotion et l'intérêt sont palpables :

Expo_photos.jpg

Pour ce qui est de la version du documentaire qui sera diffusée vers l'extérieur, nous y travaillons actuellement et sommes à la recherche d'un producteur.

Ce projet, tout comme d'autres projets qui portent aujourd'hui des fruits (aider les koguis à retrouver des plumes pour rénover certains masques et couronnes par exemple) ont conduit à resserrer nos relations avec ce peuple ancestral qui se considère comme gardien de l'équilibre de la Sierra (le coeur du monde) et de la terre. Nous avons voulu traduire ce rapprochement, après de longues discussion avec la mama mayor Conchacala et les responsables de la communauté, par deux actes forts de confiance mutuelle :

  • l'intégration dans les statuts de notre association colombienne d'une phrase indiquant que "les projets et actions de l'association doivent se faire en cherchant l'accord des autorités traditionnelles des indiens de la Sierra Nevada"
  • l'élection de Miguel Bolaño Nolavita (indien Kogui récemment désigné par les autorités spirituelles de la Sierra comme chargé de culture du peuple Kogui) comme vice-président de notre association colombienne ; il ne s'agit plus que d'une désignation seulement symbolique puisque Miguel dispose d'une délégation de représentation légale de l'association.

Un beau chemin qui se dessine et que nous voulons continuer, dans l'échange et la confiance...

jeudi 21 décembre 2017

Recyclage, graines, plumes... : Ces autres projets

En cette fin d'année, je souhaitais vous plonger un peu dans l'univers de la Sierra Nevada de Santa Marta et de ces "petites actions" qui font notre quotidien et sur lesquelles nous n'avons pas encore communiqué.

Nous vous avons déjà parlé de certains projets en cours (Film-documentaire sur les fêtes d'été des indiens Koguis, ateliers d'éducation à l'écologie) ainsi que de notre projet à moyen-long terme de création d'un centre éducatif et culturel. Ce dernier pourrait contribuer à la reconnaissance, la sauvegarde et la transmission de la sagesse et de la culture des peuples premiers de la Sierra Nevada de Santa Marta. Mais au de-là de ces axes principaux - le projet de documentaire nous a beaucoup occupés ces derniers mois et nous entrons actuellement en phase d'édition - LA SEMILLA se trouve impliquée dans d'autres "petits projets" (aujourd'hui...) en fonction des nécessités et demandes qui se présentent à nous. C'est d'eux que nous voulons vous parler aujourd'hui.

Préliminaire : Des indiens coupés du monde ?

S'il est vrai que les indiens de la Sierra et les Koguis en particulier sont essentiellement autonomes au niveau alimentaire et culturel et ont délibérément très peu d'échanges commerciaux et non commerciaux avec "notre monde", le mythe de l'indien en blanc qui vit dans un paradis naturel coupé du monde est inexact. Les échanges avec la "civilisation " sont une réalité, en particulier pour les villages situés dans les parties basses de la Sierra parfois sur des terres restituées par le Gouvernement récemment, qu'ils soient:

  • échanges subis et violents : cela a été le cas des échanges avec les groupes armés illégaux (guerillas, paramilitaires et trafiquants de drogues) qui proliféraient jusqu'à une époque récente dans la Sierra Nevada. Les peuples de la Sierra en ont subi un lourd tribu (violences physiques et menaces, assassinats, viols). C'est aujourd'hui aussi le cas de nombreux projets portés par des multinationales (extractions minières, barrages hydroélectriques). Leur impact écologique souvent destructeur se confronte à la relation organique des "gardiens de la Sierra" avec leur territoire. Les violences indirectes qui résultent de ces derniers n'ont parfois rien à envier aux premières. Il est à ce sujet remarquable de constater que les peuples de la Sierra n'ont jamais pris les armes et ont toujours réagi à ces agressions de manière pacifiste et non violente.
  • échanges tolérés : il peut s'agir de l’État qui construit des écoles ou des centres de santé, du "Bienestar familiar" (service de l’État Colombien) qui distribue du lait en poudre ou des gâteaux aux enfants, ou même des évangélistes qui distribuent des lecteurs MP3 solaires avec des textes bibliques en langue koguie intégrés. Ce type d'échanges se situent en général dans les villages situés sur les parties basses de la Sierra, les autres étant difficiles d'accès. Ils sont tolérés par les indiens qui ne les approuvent pas pour autant.

Appareil_evangelisation.jpg, oct. 2021 Appareil d'évangélisation solaire distribué par des évangélistes

  • échanges souhaités : parce que les Koguis, Wiwas, Arhuacos et Kankuamos ont certains besoins et nécessité qu'ils n'arrivent plus à couvrir et aussi parce qu'ils souhaitent aujourd'hui "parler au monde" sur le respect de la nature en particulier, ils ont aujourd'hui certains échanges commerciaux (vente de mochillas ou de café par exemple) et culturels avec l'extérieur. Il est à noter que même ce type d'échanges peut s'avérer nocif : on peut parfois croiser dans les rues de Palomino ou Santa Marta un indien mendiant pour s'acheter une bouteille d'alcool.

L'échange est donc un thème délicat mais il est inévitable et déjà en cours. Nous souhaitons évidemment nous inscrire dans des échanges souhaités et "bons", même si l'usage de ce terme est délicat. Pour y parvenir, au de-là de notre discernement que nous voulons relié, nos projets sont consultés avec les autorités locales et spirituelles des peuples de la Sierra (les mamas) et en général émanent des Koguis eux-même. Nous travaillons actuellement à un renforcement et un approfondissement de cette relation afin de l'intégrer dans notre structure et dans nos processus de décision. Nous publierons bientôt un article pour expliquer comment cela se traduit concrètement.

Recyclage dans le village

Dans nos voyages dans les villages Koguis de la Sierra Nevada, nous avons pu confirmer que les villages Koguis des parties basses et même intermédiaires de la Sierra produisent des déchets non biodégradables. S'il est pour nous une évidence qu'un emballage plastique mettra jusqu'à 1000 ans pour se dégrader et que des piles électriques peuvent polluer gravement les sols et l'eau, cela ne l'est pas pour tous les indiens qui sont habitués à jeter leurs déchets organiques qui se dégraderont naturellement. Nous continuons donc un travail d'éducation et de ramassage de déchets qui avait déjà été initié il y a une vingtaine d'années par Jimmy, aujourd'hui membre actif de LA SEMILLA. Au mois d'août, nous avons ainsi réalisé, avec les enfants Koguis du village de Yinkuamero et à l'aide d'une brouette qui leur avait été donnée par le Musée du Caribe, un ramassage de déchets dans le village de Yinkuamero. Si la quantité de déchets ramassés reste peu importante au regard de la date de la dernière collecte (8 mois), un sujet plus préoccupant reste le nombre de piles qui jonchaient le sol.

Dechets_collectes.jpg, oct. 2021

Photo_enfants_piles.jpg, oct. 2021

Elles proviennent de l'usage qui en est fait par les lampes torches. C'est, à notre connaissance et dans ce village, le seul appareil électrique utilisant des piles qui est aujourd'hui utilisé mais son usage est quotidien. Certaines de ces piles ont été ramassées jusque dans des cultures qui bordaient le village. Nous avons donc répété le message sur les dangers des piles électriques avec la présence et l'approbation du mamá qui nous prêtera sa mule pour descendre les sacs poubelles ramassés.

Las semillas (les graines...)

Le projet d'échanges de graines s'effectue en partenariat avec l'agronome Yuli Pelaez qui est en train de créer le premier réseau d'échanges de graines de la Sierra Nevada, avec les paysans locaux et les indiens. Ce projet s'inscrit dans un contexte de perte de savoir sur ce sujet et d'une nouvelle législation favorisant les graines certifiées vendues par des gros semenciers comme Monsanto (souvent hybrides F1 - la plante produit des semences sans rendement et oblige le paysan à racheter de nouvelles graines l'année suivante - quand elles ne sont pas génétiquement modifiées). La Semilla est intervenue comme intermédiaire pour permettre à Yuli Pelaez d'établir un partenariat avec l'association française KOKOPELLI, qui dispose d'une des plus grandes (sinon la plus grande) banque de semences libres et "bios" au monde (et donc non génétiquement modifiées ni hybrides F1). Ce partenariat a permis au projet d'adhérer au programme "Semences sans frontière" et de recevoir des semences libres, adaptées au climat et à l'environnement d'ici.

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Récemment un travail a été entamé par Yuli et La Semilla avec une famille Koguie établie près de Minca. Des échanges de graines et de savoirs ont été effectués en fonction des demandes de la famille Koguie.

Yuli_graines.JPG

Un suivi et un accompagnement sont réalisés pour voir ce qui est planté, pousse et utilisé. Echanger, pour donner et recevoir...

Et le reste...

Le travail avec les indiens de la Sierra nous conduit aussi à les aider à obtenir certaines choses qu'ils arrivent difficilement à obtenir sans notre aide : du coton acheté sur le marché de Barranquilla pour le tissage des habits et des mochillas de type "Sugame" pendant que parallèlement un processus de récupération des cultures de coton a été initié pour retrouver autonomie et indépendance, des plumes de certains oiseaux devenus rares dans la Sierra et utilisées pour certaines danses sacrées (*), une démarche administrative, un conseil ou aide juridique, etc. Ce sont aussi toutes ces choses qui font notre quotidien.

(*) Nous évoquerons probablement ce sujet qui nous a beaucoup occupé, dans une publication prochaine sur ce même blog...

dimanche 1 octobre 2017

Assemblée Générale et Bilan 2016

Cet été a été l'occasion pour LA SEMILLA d'organiser un séminaire de trois jours et de réunir son Assemblée générale.

Nous y avons échangé sur nos nombreux projets et nous avons pris le temps, en plein 20ème arrondissement de Paris, de nous arrêter un peu pour contempler le chemin parcouru depuis la création de notre association. Le Bilan Moral 2016 relate ce chemin, qui continue aujourd'hui.

mardi 4 avril 2017

Ñikuma: l'esprit de la fête : "danser pour rétablir l'équilibre du monde..."

Comme nous l'avions annoncé, LA SEMILLA se lance dans un projet de film documentaire sur les fêtes traditionnelles des indiens Kogis, à leur demande. Une tradition millénaire qu'ils nous ont demandé de les aider à préserver et transmettre par ce moyen. Nous lançons aujourd'hui une campagne de financement participatif pour nous aider à donner vie à ce projet.

Découvrez ci-dessous la vidéo de présentation (teaser) :

Youtube-video.png

Cette fête, de tradition millénaire, revêt à la fois un caractère social, sacré où les danses et les musiques visent à rétablir les équilibres rompus de la nature, et aujourd'hui "thérapeutique post-conflit" où des scènes théâtrales visent à exorciser l'époque de violence qu'a traversée le pays. Ce peuple millénaire se considère comme "gardien de l'équilibre du monde" (*) depuis son territoire d'une extraordinaire biodiversité qu'ils appellent le "cœur du monde". Les kogis fascinent de part leur sagesse millénaire, leur non-violence au milieu de la violence et leur mode de vie cohérent et respectueux de la nature. C'est pourquoi quelques documentaires internationaux ont déjà été réalisés ces dernières années (BBC, National Geographic, France 2).

Néanmoins, cet aspect de central de leur culture - la fête annuelle du solstice - n'a pas été documenté. Nous avions déjà publié un billet sur le sujet l'été dernier, mais il n'existe pas encore de documentaire à notre connaissance. Il est pourtant d'un intérêt immense et porteur de message sur les risques de disparition d'une cultures précieuse, l'urgence de retrouver une relation harmonieuse avec la nature, la force des relation sociale, et la résilience pacifique en contexte de guerre. Ce projet a été initié à la demande des Kogis et en partenariat avec deux associations colombiennes (Ñikuma et Seineken).

Aujourd'hui nous avons réalisé ensemble une première montée dans la Sierra Nevada, pour une première étape au tournage : découverte et repérage, prise de contact pour l'association Seineken et premiers enregistrements vidéos et sonores. Voici trois quelques images de cette première montée :

Nikuma-Seineken-Semilla.jpg

L'équipe présente lors de la première sortie. De gauche à droite : Diana et Juan Pablo (de l'association Seineken), moi et Jimmy (guide et représentant de Ñikuma). Deux autres personnes devraient nous accompagner pour nos prochaines sorties : Mathilde (notre nouvelle bénévole) et Juan (cameraman de Seineken).

Subiendo__asno_.jpg Montée dans la Sierra...

Filmando_el_tambor.jpg Interview d'un joueur de tambour

Entrevista_Mamo.jpg Interview d'un jeune mamo (chaman, sage) sur le sens de la fête

Cette première montée a été entièrement financée sur fonds propres de notre association et grâce à l'énergie, au temps et à l'enthousiasme de l'ensemble de l'équipe. Nous lançons aujourd'hui une campagne de financement participatif (crowdfunding) qui nous aidera à le mener à bien, grâce à la plateforme de financement participatif de LA NEF (Zeste, première banque éthique de France). Soutenez-nous et aidez-nous à faire connaître ce projet ! C'est ici :

https://www.zeste.coop/fr/decouvrez-les-projets/detail/nikuma-lesprit-de-la-fete

'' (*) : Cette expression est inspiré par l'article de la chercheuse Carolina ORTIZ "Les gardiens de l’équilibre du monde. L’identité entre les groupes aborigènes de la Sierra Nevada de Sainte Marte", publié en 2004 dans les cahiers AHLIM de l'Université Paris.''

mercredi 25 janvier 2017

France et Colombie : de la richesse et de la nécessité de l'échange...

La visite officielle de François Hollande en Colombie s'achève aujourd'hui. Si elle avait un caractère politique et historique pour le pays, qui n'avait pas vu de Président français depuis 28 ans, elle est peut-être aussi la traduction d'un lien ancien et de nouveau renforcé. Elle est aussi pour nous l'occasion de réaffirmer la nécessité de l'échange dans l'altérité, le défi du chemin de LA SEMILLA.

La visite du Président français s'inscrivait dans un contexte politique et culturel fort liant les deux pays : la France a décidé d'appuyer le processus de paix en marche en Colombie et cette année sera "l'Année France - Colombie 2017", marquée par des manifestations culturelles françaises en Colombie (1ère moitié de l'année) puis par des manifestations colombiennes en France (2nde moitié de l'année).

Dans son discours à la Résidence de France à Bogotá ce lundi 23 janvier, le Président français a donc beaucoup parlé du processus de paix, qualifié "d'exemple pour le monde" et de culture, très peu d'économie. Peut-être la liberté de celui qui sait qu'il va quitter le pouvoir...

Discours_F.HOLLANDE_Bogota.jpg

A un moment où je ne m'y attendais pas, au milieu de la foule excitée par les selfies avec le Président (désolé je n'en aurai pas à vous montrer), le chemin s'est ouvert et je me suis retrouvé face à lui. Il m'a alors serré la main et m'a demandé ce que je faisais en Colombie. Je lui ai répondu que j'étais président de l'association LA SEMILLA, qui travaille à la reconnaissance, la sauvegarde et la diffusion de la culture des indiens de la Sierra Nevada de Santa Marta. A ce moment j'ai vu l'Ambassadeur de France s'approcher et lui souffler à l'oreille "Oui, les indiens Koguis !". Cette brève intervention de l'Ambassadeur a retenu mon attention. J'ai alors pensé que ces peuples premiers de Colombie, longtemps méprisés et ignorés, commencent à capter l'attention, y compris des hommes politiques.

Alors, il est vrai que certains documentaires depuis celui d'Alan Ereira (From the hearth of the world, BBC) jusqu'au reportage récent de France 2 sur "Le trésor des Kogis" ont contribué à faire connaître l'étonnante richesse ancestrale des peuples premiers de la Sierra Nevada de Santa Marta à une frange minoritaire de la population. Maintenant, c'est peut-être autre chose qui se dessine...

Dans ce domaine aussi, les liens avec la France sont peut-être plus anciens et plus profonds que ce que l'ont pourrait penser. Si cela fait maintenant plus de 15 ans que je voyage régulièrement en Colombie (j'y vis depuis un an) et presque autant que m'intéresse aux indiens Kogis, c'est quelque-chose que je n'ai découvert que récemment. En effet, si les anthropologues souvent cités sont PREUSS ou DOLMATOV, les photos les plus anciennes répertoriées d'indiens de la Sierra sont celles du français Joseph de Brettes lors de son voyage en 1892-1893. Elle sont hébergées à BNF. Encore avant cela, le géographe français Elisée Reclus, subjugué par sa rencontre avec la Sierra Nevada et ses peuples premiers en 1855, publiait le livre Voyage à la Sierra-Nevada de Sainte Marthe. Nous en citons sur notre site internet sa magnifique introduction : https://www.lasemilla.paris/la-sierra-nevada/. Aujourd'hui encore, beaucoup de chercheurs non colombiens spécialistes des indiens de Colombie sont français ou travaillent pour des centres de recherche français (CNRS, notamment).

Alors, au de-là de son action sur le terrain, comment LA SEMILLA peut-elle contribuer à créer et renforcer cette connexion surprenante entre la France et la Colombie, entre la France et les civilisations millénaires et toujours vivantes de la SIERRA NEVADA ?. Étirant ainsi au plus loin et peut-être au plus profond le lien et la rencontre dans l'altérité ... Le bénévolat international est une réponse : le bénévole vient pour aider et donner quelque-chose de lui. Il repart enrichi et transformé et ramène alors des trésors dans ses bagages. Nous accueillons notre première bénévole française au mois de mars de cette année. La diffusion de documents en est peut-être une autre : nous commençons actuellement à travailler avec deux associations colombiennes et à la demande de deux villages kogis sur un projet de film documentaire sur leurs fêtes traditionnelles, sujet très peu documenté. Je m'y suis rendu lors de la précédente (cet été) et nous prévoyons de filmer la prochaine.

Musique_-_fete_kogie.jpg

Peut-être enfin en essayant de transmettre quelque-chose au travers d'évènements organisés par l'association parisienne. Même si cela est difficile...

Je me souviens d'un ami qui est venu récemment découvrir la Colombie et la Sierra. Il a été, je crois, très marqué par son voyage et me demandais à la fin de son séjour : "Mais comment je vais pouvoir raconter en France ce que j'ai vécu ici ?". Je lui ai répondu : "Raconte ce que tu pourras, le reste tu ne pourras pas le raconter...".

samedi 24 décembre 2016

Nouvelles de fin d'année

Atelier avec des enfants autour d'un conte indien écologique, mise en ligne de notre site Internet, rencontre avec des mamos arhuacos, création de LA SEMILLA DE LA SIERRA : cette fin d'année aura été riche en évènements et en émotions ! C'est donc un pêle-mêle de nouvelles de la Sierra que je vous propose pour vous accompagner dans vos fêtes de fin d'année.

C'est depuis l'aéroport de Santa Marta, en Colombie, que je commence ce billet, juste avant de repartir pour Bogotá :

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Tout d'abord, cette fin d'année aura été l'occasion de mettre en ligne notre site Internet, que vous pourrez visiter ici : https://www.lasemilla.paris/. Je précise que grâce à l'aide de Benjamin, et dans une optique de recherche d'autonomie, c'est un site "auto-hébergé" : il n'est donc pas sur les serveurs de Google, ni même de Gandi, il est "chez nous".

Après une période d'observation, d'analyse et de réflexion, la fin d'année aura été pour LA SEMILLA une époque de transition vers l'action sur le terrain. Un premier atelier pour enfant basé sur un conte écologique (El relato de las máscaras míticas) inspiré par les traditions des indiens de la Sierra Nevada a été organisé dans les locaux de MISION GAÏA, à Minca :

Imagen_20.jpg

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Ce type d'atelier devrait devenir régulier (un par mois) dans le cadre d'un partenariat avec cette association.

Plus récemment, c'est un de nos membres donateurs, Julien accompagné d'un ami (Jean-Sébastien) qui sont venus faire l'expérience du "réalisme magique", de la force de la nature et de la rencontre avec les indiens dans la Sierra Nevada. Leur venue a coïncidé avec la présence ponctuelle sur Minca de deux mamos (sages, chamanes) arhuacos, qui a donné lieu à une ballade en forêt à la rencontre des plantes médicinales. Cette expérience aura été d'autant plus intéressante que Jean-Sébastien est formé et praticien en ostéopathie et en médecine chinoise. Malgré la distance linguistique (traduction arhuaco - espagnol - français), l’échange est étonnamment riche et laisse apparaître des similitudes profondes entre la médecine traditionnelle des indiens de la Sierra et la médecine traditionnelle chinoise.

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Enfin, la dernière nouvelle en date est la création de l'association fille de LA SEMILLA : l'association colombienne "LA SEMILLA DE LA SIERRA". L'assemblée constitutive a eu lieu le 21 décembre (jour du solstice d'hiver) et les statuts ont été déposé le lendemain à la Camara de comercio de Santa Marta. Cette création devrait notamment nous permettre de recevoir des bénévoles en Colombie.

Il me reste maintenant à vous souhaiter de joyeuses fêtes de fin d'année, une excellente année 2017 et à vous remercier pour votre intérêt et votre soutien !

lundi 7 novembre 2016

Une association pour un projet éducatif, écologique et culturel venant des peuples premiers

Comme nous l'avions suggéré dans deux précédents billets (De l'étude terrain au voyage sur le terrain puis Réunion d'été pour La Semilla), la phase d´étude, d'observation et de contacts sur place a conduit notre association à élargir ses objectifs. Ils sont désormais centrés autour de la création d'un centre éducatif et culturel et gardent le cap initial de tisser un lien avec les Indiens vivant dans la Sierra Nevada de Colombie pour créer un pont entre nos civilisations.

Ce temps de l'observation, de la réflexion et de la discussion, systématiquement observé par les communautés indiennes avant toute décision importante, était en effet nécessaire. Il nous a permis de définir une feuille de route et un texte de présentation de nos objectifs et de notre projet dont voici le contenu :

Logo.jpg

'' Quel est notre objectif ?''

Le but de notre association est de tisser un lien avec les Indiens vivant dans la Sierra Nevada de Colombie pour créer un pont entre nos civilisations. Il se décline en différents volets : éducatif, écologique, culturel et artistique. Pour ce faire, nous envisageons de créer un centre éducatif et culturel afin de pouvoir mener des actions en lien avec les peuples premiers de la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie. Cette région a la double particularité d'être un des lieux les plus riches en biodiversité au monde (plus haute montagne en bord de mer avec de nombreuses espèces endémiques) et d'héberger en son sein une des dernières civilisations précolombienne (les kogis et leurs « cousins » arhuacos, wiwas et kankuamos). C’est un lieu précieux que les indiens appellent le « cœur du monde », un paradis malheureusement aujourd’hui menacé par le développement économique. Or, le message des indiens est intrinsèquement lié à la protection de la nature. Notre association souhaite être un lieu d’échange entre toutes populations vivant dans cette région. Pour cela nous avons besoin du soutien et de la participation de tous : d’abord les acteurs locaux, indiens et non indiens, mais aussi de personnes et d’entités internationales. Concrètement, LA SEMILLA pourrait soutenir ou porter :

  • des enseignements venant des peuples premiers de la « Sierra » ;
  • des actions d’appui et préservation au bénéfice des populations de la Sierra, décidées collectivement ;
  • des événements écologiques, culturels et artistiques.

Ces actions viseront à reconnaître, transmettre, sauvegarder et diffuser la sagesse et les connaissances ancestrales de ces peuples alors que leurs traditions pratiques, artistiques et sacrées, bien que toujours vivantes, sont menacées. Il y a donc nécessité de préserver la culture précieuse et millénaire des indiens de la Sierra Nevada. Pour cela, des actions comme la création d’une bibliothèque et un fond documentaire, la réalisation de films sur certains aspects méconnus (fêtes traditionnelles) sont déjà en cours à la demande des indiens.

A qui est destiné notre projet ?

Le public qui pourrait bénéficier de notre action et de notre centre éducatif et culturel est très large : les enfants mais aussi les adultes, locaux comme étrangers sont concernés. Car notre projet est d’ordre :

  • social : certaines personnes ne savent pas lire ou écrire ;
  • écologique : certains paysans perdent les modes de culture traditionnelle que les indiens ont su conserver tandis que les indiens ont parfois du mal à gérer des contacts nouveaux avec la société non indienne qui les entoure ;
  • culturel et philosophique : de nombreuses personnes, venant parfois de très loin, s'installent ou passent dans la région car elles ont un intérêt et un respect profond pour des peuples premiers dont la sagesse commence à être reconnue internationalement (France 2 , NATIONAL GEOGRAFIC, BBC).

Où va se situer notre action ?

Pour débuter, nous avons établi une présence et créé des relations dans la région. A Minca (aujourd'hui la « capitale écologique de la Sierra Nevada », véritable porte d'entrée de la Sierra à 20 minutes de l’agglomération de Santa Marta) et à Rio Ancho, plus éloignée d’un centre urbain mais proche de plusieurs communautés Kogies avec lesquelles nous avons déjà des relations.

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