dimanche 4 décembre 2022

Les koguis, les wiwas, les arhuacos et les kankuamos à l'UNESCO !

Tout récemment, le 29 novembre 2022, "le système ancestral de connaissances des quatre peuples autochtones arhuaco, kankuamo, kogi et wiwa de la Sierra Nevada de Santa Marta" a été inscrit par l'UNESCO sur la liste du patrimoine immatériel de l'humanité. Une visibilisation et une reconnaissance du trésor de connaissances concrètes et spirituelles que constituent ces quatre peuples millénaires.

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jeudi 7 juillet 2022

Langue et culture Kogui au lycée français de Cali

Ce n'est pas la première fois que notre association organise des ateliers de langue et culture Kogui, ni même que nous travaillons avec des lycées français (nous avons participé/organisé des évènements à Madrid et à Bogotá). Cependant, nous ne l'avions jamais avec des enfants d'école primaire et avec une longue préparation préalable. Ce projet et cette connexion entre deux mondes apparemment éloignés a pu se faire grâce à Romane qui travaille au lycée français de Cali et est également membre de LA SEMILLA, et Luis, étudiant en linguistique, professeur de Kogui et membre de l'organisation Kogui Aldeñjina. Il s'est clôturé avec un série d'ateliers de langue et culture Kogui et une collecte de matériel scolaire au bénéfice d'écoles Kogui propres et autogérées. Voici un texte écrit par les élèves eux-mêmes et qui nous raconte cette expérience. (Texte original en espagnol, traduction : Stéphane Labarthe)

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dimanche 15 août 2021

Colombie - France - Colombie : l'ordre et la liberté

Enfin....! Malgré les États d'urgence sanitaire et autres mesures contraignantes les portes se sont entrouvertes et nous ont laissé passer pour un voyage aller-retour France-Colombie, le premier depuis deux ans. Un voyage qui pose des questions sur les libertés individuelles et collectives mais aussi sur l'autodétermination des peuples premiers.

Arrivée en France

"Libertad y orden" est la devise nationale colombienne, pendant du célèbre "Liberté, égalité, fraternité" qui a longtemps donné à la France l'image d'un pays libre et humaniste. Pourtant lorsque j'entreprends ce voyage, je comprends vite que ma liberté constitutionnelle d'aller et venir va être mise à mal, bien au-delà des formalités de voyage extrêmement complexes et des 17 documents et formulaires qu'il me faudra emporter pour sortir de Colombie, prendre l'avion et entrer en France avec mon fils. Vingt personnes ne pourront pas embarquer dans l'avion et perdront leur voyage, me racontera un stewart d'Air France. Pourtant ce n'est que le début. À l'arrivée à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, la première chose que nous voyons est une double file : une pour les personnes vaccinées et une autre pour les non vaccinées qui se verront soumettre dans un premier temps à divers questionnaires et à un test antigénique. Ces mesures sont liées au fait que la Colombie est un "pays rouge" au moment du voyage. Pour pouvoir prendre notre vol Air France, nous avions pourtant déjà dû présenter un test PCR négatif de moins de 48 heures.

arrivee-aeroport.jpeg, août 2021

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vendredi 9 juillet 2021

Récit d'un voyage

En chemin avec le Mama Conchacala jusqu'au lac de Nakuayíndwa pour effectuer des "pagamentos" spirituels.

PAGAMENTOS : Offrandes, cérémonies ou pratiques traditionnelles exécutés dans et vers des espaces et/ou des sites sacrés, en tant que rétribution spirituelle à la nature pour l'usage que nous faisons de ses éléments. Les "pagamentos" garantissent l'équilibre naturel et le bien-être social, à travers l’accomplissement de la Loi d’Origine.

ZHATUKUA : Connaissance et instrument au travers duquel les Mama effectuent une consultation spirituelle traditionnelle. Dans son expression physique, c'est un totumo avec de l'eau et une "tuma" (pierre de forme tubulaire). Le Mama se relie spirituellement à la Mère et, en plaçant la tuma dans le totumo rempli d'eau, pose une question par la pensée en observant les bulles qui sortent de l’orifice de la tuma. En fonction du mouvement qu'elles font, il interprète la réponse de La Mère.

Extrait du Glossaire du livre "SHIKWAKALA, El crujido de la Madre Tierra", 2018.

Consulta.jpg, _Jul 2021

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dimanche 21 février 2021

Langues et cultures

Aujourd'hui 21 février, jour de la célébration annuelle dans le monde entier de la langue maternelle, aussi appelée langue native. C'est celle que nous écoutons dans le berceau avant même de savoir parler. Ce jour-là en Colombie, nous fêtons également le jour national des langues natives en hommage à la parole ancestrale (1).

«Ce sont fondamentalement les femmes indigènes qui ont pris en charge génération après génération le rôle de préserver la langue native.» Ati Quigua (2)

Profitons alors de cette occasion pour partager avec vous l’avancement de notre projet d’ateliers de langue et culture Kogui pour «non-indiens», une aventure pour renverser les paradigmes !

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samedi 28 novembre 2020

La Semilla chez Kokopelli (La Semilla en Kokopelli)

Les graines suivent leur rythme pour rompre leur enveloppe externe "au moment juste", germiner puis commencer un long chemin de croissance. Cela fait déjà un an et demi que nous avons rendu visite à l'association Kokopelli, qui nous soutient dans un de nos projets à travers son programme "Semences sans frontières" et gère la plus grande banque européenne de semences libres et reproductibles, avec de nombreuses variétés anciennes, presque 600 pour les seules tomates ! Rencontre à l'été 2019 entre La Semilla (Yuli Pelaez et moi-même) et Kokopelli au siège de l'association, échanges et interview, dans le petit village du Mas d'Azil, dans le Sud-Est de la France, terre de montagnes, de dolmens, de grottes préhistoriques et de projets alternatifs... (*) Aujourd'hui, nous avons le plaisir de vous présenter un bel article publié par Kokopelli dans sa revue d'automne. Il présente à la fois le travail de La Semilla auprès de communautés d'indiens Koguis et un projet voisin mené par Bérengère Bériau auprès de communautés d'indiens arhuacos, également dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie.

Kokopelli-FR.png, Nov 2020

Las semillas siguen su ritmo para romper su cascaron "en el momento justo", germinar y entonces empezar un largo camino de crecimiento. Hace un año y medio, visitamos a la fundación Kokopelli, que nos apoya en uno de nuestros proyectos a través de su programa Semilla sin fronteras. Esta ONG gestiona el banco de semillas libres y reproducibles mas grande de Europa, con numerosas variedades de semillas ancestrales, casi 600 sólo para los tomates .... Encuentro que se realizó durante el verano del 2019 entre La Semilla (Yuli Pelaez y yo) y Kokopelli, en la sede de la fundación: charlas y entrevistas, en el pueblito "Le Mas d'Azil", en el Sur-Este de Francia, tierra de montañas, de dolmens de cuevas prehistoricas y también de proyectos alternativos... (**) Hoy tenemos el placer de presentarles un lindo artículo publicado por Kopkopelli en su revista de otoño. Presenta a la vez el trabajo de La Semilla con las comunidades indígenas Kogis y un proyecto cercano implementado por Bérangère Bériau con y para las comunidades indígenas arhuacas, también ubicadas en la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombia.

Kokopelli-ES.png, Nov 2020

NB: La traduction de l'article de Kokopelli en espagnol a été réalisée par Mathilde Manifacier. / La traducción del artículo de Kokopelli al español fue realizada por Mathilde Manifacier.

(*) Il intéressant de constater que ce tout petit village du Mas d'Azil (à peine un peu plus de 1000 habitants) héberge non seulement le siège de l'association Kokopelli mais aussi des fermes et vergers bios ou même un stage international d'aïkido.

(**) Es interesante darse cuenta que este pueblo tan chiquito ( a penas un poco más de 1000 habitantes) no solo alberga la sede de Kokopelli sino también diversos proyectos de agricultura orgánica e incluso un seminario internacional de aïkido.

dimanche 12 avril 2020

Regarder au loin...

Regarder au loin quand nous sommes confinés dans un petit appartement de ville ou même une grande maison de campagne, dans un contexte où les certitudes sur l'avenir semblent voler en éclat. Regarder au loin quand nous nous sentons prisonniers de l'espace et du moment présent. Regarder au loin quand le médiatique et le politique nous servent une parole de peur. Cela paraît bien difficile. Et pourtant....

De la remise en question aux nouveaux horizons

Mama_Awimaku.jpg

Mama Awimaku: "J'ai ce message pour tes frères français: dis leur de mettre de l'ordre dans leurs pensées, leurs paroles et leurs actions. Dis leur aussi de se mettre en méditation spirituelle."

Et pourtant, n'est-ce pas le moment où jamais ? Peut-être même une opportunité salutaire... Alors que les engrenages de nos sociétés modernes se sont trouvés bloqués par un grain de sable d'un dix millième de millimètre, alors que la résilience supposée fait place aux effondrements probables, alors que nous avons pour certains enfin un peu de temps et d'espace pour une réflexion retrouvée, n'est-ce pas le moment où jamais de remettre en question beaucoup de nos dogmes dans les domaines de l'environnement et de la santé évidemment, mais aussi de l'éducation, de l'économie, du partage... Car tout est lié, interdépendant dans nos systèmes devenus hypercomplexes. Ainsi, nous apprenons que la réduction de la bio-diversité et la déforestation favorisent l'émergence de nouveaux virus et bactéries (1) et que les conséquences d'une agro-industrie devenue polluante pour le sol et nos corps est la multiplication des maladies chroniques qui nous affaiblissent face à ces nouvelles épidémies. Les choses sont plus complexes que ce que nous pourrions penser et en même temps, elles sont peut-être très simples aussi. Et s'il s'agissait en effet de revenir à des choses tout bonnement naturelles, dans notre relation à nous-mêmes, aux autres, à la nature, à notre alimentation et à notre santé. Le 4 avril, des représentants du peuple Arhuaco ont transmis un message, disponible en espagnol ici (Mensaje_de_los_Mamos_Arhuacos.pdf ), et dont voici un extrait traduit en français :

L'humanité en général, nous avons détruit la Terre. Nous sommes arrivés à une limite où notre Mère (la Terre) est déjà fatiguée. Et elle nous dit : "Reste une minute en silence pour m'écouter." Si nous ne nous réconcilions pas avec notre Mère et notre Père, si nous n'arrivons pas à être solidaires, plus humains, avec notre environnement, avec notre pays, avec notre famille, avec nos amis, nous ne pouvons pas attendre un monde meilleur.




Que peuvent nous apprendre les Koguis et les peuples premiers ?

Pourquoi nous tourner vers des peuples aussi lointains dans le temps et dans l'espace ? Que peuvent-ils nous apprendre pour gérer ces nouvelles crises, nous qui avons à notre disposition toute la médecine moderne, les réseaux informatiques, les satellites d'observation et les microscopes électroniques ? Et bien peut- être un retour à l'essentiel... Si les peuples premiers de la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie (Koguis, Wiwas, Arhuacos et Kankuamos) ont su traverser la conquête espagnole, les épidémies utilisées comme une arme, 60 ans de guerre civile en Colombie, les violences environnementales occasionnées par les "méga projets" de nos multinationales, etc., c'est qu'ils ont incarné et vécu cette résilience dont on nous parle tant. Sans sacrifier leur pacifisme, en s’efforçant de conserver leur intégrité culturelle, leur relation organique à la nature et en continuant d'appliquer leurs principes spirituels. Leur connaissance de l'homme et de la nature est probablement infiniment plus ample, profonde et subtile de ce que beaucoup peuvent imaginer. Mais comment parler de cette sagesse venue de loin, de l'autre côté de l'Océan, du détroit de Panama ou même à Bogotá ? Récemment, j'ai laissé un message à un ami "mamá" (autorité spirituelle) du peuple Wiwa, au sujet de ce qui commençait alors. Il m'a indiqué une recette à base de plantes pour fortifier mon corps.

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              Décoction de "bira bira" et de "jarilla"

Puis il m'a simplement dit (*) : "Prend soin de tes pensées, protège-les du stress, de la peur et de la tristesse. Fait très attention à tes pensées.". Cela semble tellement simple. Presque tous les courants philosophiques, psychologiques et spirituels disent la même chose. Pourtant, le mettre en œuvre, c'est une autre paire de manches... La représentante du peuple "wiwa" allait même au-delà en appelant, dans un communiqué récent, à ne plus nommer la maladie pour ne pas lui donner de la force ou l'attirer (2)... Ici, nos médias et nos dirigeants politiques font tout l'inverse, et donnent l'impression au contraire de cultiver minutieusement la peur. Sont-ils conscients que c'est un poison qu'ils répandent qui salit nos pensées et nos émotions et affaiblit même nos défenses immunitaires ? Nous reste-il encore un peu de sagesse ?... Peu après, j'échangeais des messages avec Miguel, ami Kogui et vice-président de notre association colombienne, alors qu'il revenait d'un voyage sur plusieurs sites sacrés de la Sierra Nevada où s'étaient réunis de nombreux mamás qui avaient longuement médités sur la situation que traverse actuellement notre planète. Il me dit que les mamas de la Sierra s'efforcent de faire un travail de ré-équilibrage spirituel pour payer notre dette à la Nature mais que seuls, ils n'y arrivent plus, ils ont besoin que "le petit frère" comprenne, reconstruise au lieu de détruire, prenne soin des sites sacrés (***).

Écouter pour changer, retrouver une hygiène intérieure, de ses pensées (**), et une hygiène extérieure face aux autres et à la nature, coopérer car nous sommes tous interdépendants...

De la terre, des graines et des mots

Pour terminer ce billet, je souhaitais aussi porter nos regards, au-delà du confinement et de nos fenêtres, sur un autre lointain, vers nos actions récentes dans la Sierra, juste des cartes postales du terrain (nous reviendrons plus en détail sur ces projets prochainement).

Tout d'abord, notre projet récent sur lequel nous travaillons avec Yuli Pelaéz, spécialiste des graines et de l'agro-écologie (membre de notre association et de Entre Ríos) et en partenariat avec l'association Kokopelli (3). Il se prolonge aujourd'hui avec la co-création (avec les Koguis) d'un jardin expérimental, dans une zone basse de la Sierra (peu après l'entrée dans le "resguardo Kogui"). Avec des légumes et des plantes aromatiques :

Jardin_1.jpeg

Nous continuons également un projet pilote d'ateliers de langue et culture Kogui, à Minca. Le troisième atelier a eu lieu récemment, le 1er mars. L'enthousiasme des participants semble grandir. Notre professeur de Kogui, Miguel, heureux et surpris d'inverser les rôles et d'enseigner sa langue - qu'il considère comme l'aspect le plus important de sa culture - à des "non indiens":

Taller_Idioma_Kogui.jpg

Enfin, nous profitons de cette période désormais confinée aussi en Colombie, pour chercher à présenter à des financeurs ces deux projets ainsi que celui de l'achat d'un terrain pour l'établissement d'un centre de repos et d'échange culturel au bénéfice des Koguis de la zone de Río Ancho. Les Koguis qui descendent des 11 villages suivant la rivière de "Rio Ancho" sont en effet aujourd'hui contraints de rester dans une "maison indigène" qui leur est mise à disposition mais n'est pas adaptée à leur culture, se trouve dans un état de délabrement indigne et se situe en plein village exposé au bruit et aux pollutions diverses.

Même confinés, continuons donc à semer !

NOTES ET RÉFÉRENCES

(*) Les peuples premiers de la Sierra parlent de "consuta espiritual".

(**) Sur la question de comment soigner ses pensées ? Le mamá Awimaku me disait récemment :"Respire, profondément pendant une heure. Si tu n'as pas le temps, respire simplement 18 fois." Le mamá Juan Conchacala - formé pendant 25 ans dont 15 dans l'obscurité des grottes de la Sierra - nous disait la même chose : "Le premier pas du chemin, c'est la respiration...". Mon maître d'aïkido me disait la même chose à Paris: la respiration. Ça tombe bien on peut le faire même confinés depuis nos appartements.''

(***) Pour les peuples de la Sierre, la Terre est constituée d'une interconnexion subtile de sites sacrés reliés par des fils invisibles. Leurs grands récits parle d'une toile d'araignée, tissée à la création pour soutenir la Terre. On peut peut-être faire l'analogie avec les points d'acupuncture et les méridiens de la médecine chinoise. Il faut donc prendre soin de la nature et en particulier de ces sites spéciaux. La Sierra étant le "cœur du monde", lorsque les mamas soignent ces points, ils nous disent que c'est de la terre entière qu'ils s'occupent, pas seulement de la Sierra. Il disent aussi que si on ne fait pas ce travail, non seulement la terre va continuer à se réchauffer et à trembler, comme une malade en pleine crise de fièvre, mais que les épidémies et autres catastrophes naturelles se multiplieront. Finalement une vision qui se rapproche à la fois de l'approche orientale mais aussi des découvertes récentes de la sciences qui mettent en avant des interconnexions plus subtiles de ce que l'on pensait avant et des équilibres fragiles entre les écosystèmes.''

(1) Voir par exemple l’article et l’émission de France Inter : "En quoi la pandémie actuelle est-elle liée à l'environnement ?" (https://www.franceinter.fr/emissions/le-virus-au-carre/le-virus-au-carre-18-mars-2020)

(2) https://santamartaaldia.co/indigenas-de-la-sierra-piden-dejar-de-nombrar-el-virus-para-evitar-atraerlo/

(3) Voir la publication sur le sujet: http://blog.lasemilla.paris/post/2019/09/21/%C2%A1Semillas%21

dimanche 2 juin 2019

La culture Koguie au Lycée français

Récemment notre association a été contactée par le lycée français de Bogotá pour initier un travail avec les élèves dans le cadre du "servicio social estudiantil" colombien (*). L'occasion de présenter à des élèves colombiens et français qui vivent dans une capitale moderne une culture millénaire, et peut- être d'initier un dialogue, une réflexion et de l'action. Le rendez-vous a donc été pris et nous avons entamé ce projet avec deux présentations dans les locaux du lycée, la seconde en présence du kogui Maurico Bolaño et de la chercheuse Carolina Ortiz. Adèle, Chloé et Samuel, en charge du service social au lycée, seront nos guides pour ces évènements.

Au mois de mars de cette année, je faisais donc une première présentation à un groupe d'élèves de classe de seconde du Lycée français de Bogotá, sous forme de dialogue et en deux parties : "La Sierra et les Koguis" puis "Le travail de La Semilla". Le but était d'abord de présenter ce lieu unique qu'est la Sierra Nevada de Santa Marta et ses habitants autochtones: les indiens koguis et leurs cousins wiwas, arhuacos et kankuamos. Mais il s'agissait aussi de montrer ce qu'est le travail d'une association et comment à un moment de sa vie, on peut choisir de s'investir un peu, beaucoup ou passionnément pour une cause en laquelle on croit. Certains des élèves connaissaient déjà un peu le sujet car ils ont choisi la thématique des "pueblos indigenas" pour leur service social, une jeune fille est même déjà allée dans la Sierra Nevada. D'autres non et semblent peu motivés. Comment les atteindre ?. La présentation prend rapidement la tournure d'un ping pong de questions-réponses et un dialogue s'installe. Parfois des surprises sur des aspects peu connus de la culture des peuples premiers de la Sierra: "Pour les koguis, la sexualité est sacrée.". Les adolescents sont en silence...

Ce mercredi 3 avril 2019, c'était un peu différent. J'étais accompagné de Mauricio, un jeune kogui qui étudie à Bogotá depuis quelques mois, Carolina, chercheuse ethnolinguiste en langue koguie de passage sur Bogotá et Diana qui aide notre association et prenait des photos de l’événement. Nous étions face à un amphithéâtre du lycée français.

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Mauricio parle de sa culture, s'appuyant sur quelques photos : l'eau et le respect de la nature, les fêtes ancestrale, le "poporro"... Il est à l'aise - dans cet environnement qui n'est pourtant pas le sien - et interpelle régulièrement les élèves par des questions.

Puis vient le tour de Carolina, qui présente un aspect central de la culture des peuples de la Sierra: la "mochilla" (sac) tissée par les femmes, en coton, en "fique" (fibre végétale native) ou en laine de brebis.

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Le travail de tissage est un travail artisanal (**) mais aussi un travail sur la pensée, un travail spirituel. Les femmes doivent avoir de belles pensées lorsqu'elles tissent disent parfois les mamás (autorités spirituelles koguis). Carolina nous raconte même après la présentation, que lorsqu'un Kogui décède, on l'enterre dans une grande mochila dont on laisse dépasser un cordon `la surface du sol. Après les rituels funéraires, au neuvième jour, on coupe le cordon...

Le temps passe vite et je décide de ne pas prendre la parole, convaincu qu'il y aura d'autres occasions, pour ouvrir un espace aux questions et à l'échange. Le micro circule. Des précisions sur la culture "Qu'est-ce que le poporo?" mais aussi des questions parfois difficiles. "Te sens-tu colombien ?" lance un élève à Mauricio. Maurico initie sa réponse avec un "oui", mais il finit par expliquer qu'avant la Colombie n'existait pas et que dans leur culture et leur langue ancestrale il n'y a pas de mot pour "colombien". Un dialogue intéressant et dans l'altérité entre des jeunes à la double culture, un représentant du peuple kogui, une chercheuse et un président d'association.

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Comme on dit en Colombie " ¡Ojala podamos seguir! ". Le Lycée français semble intéressé et nous aussi, pour poursuivre cette expérience la prochaine année scolaire.

(*) Le service social "estudiantil" colombien est obligatoire et consiste à faire connaître/participer les lycéens à des projets pédagogiques portant des valeurs sociales ou environnementales et à leur faire découvrir la dignité du travail pendant leur temps libre.

(**) Également pour les hommes qui tissent les habits sur des métiers à tisser traditionnels. Les femmes tissent les mochilas à l'aiguille.

Photos: Diana Forero, pour La Semilla.

lundi 11 mars 2019

Des plumes et des pierres

L'aventure "LA SEMILLA", c'est parfois des demandes des Koguis que nous n'aurions jamais imaginées. C'est pour cela que c'est un chemin passionnant, un chemin d'écoute et de surprises. Lorsque les Koguis nous ont demandé de les aider à retrouver des plumes de certains oiseaux pour reconstituer leurs couronnes rituelles ou lorsque, plus récemment il s'agissait de récupérer certaines pierres utilisées par les mamás, nous ne savions pas par où commencer, et pourtant...

Souvent on me demande "Quel est le projet de LA SEMILLA ?". J'essaie alors d'adapter la réponse à mon interlocuteur mais elle prend souvent la forme d'un "Créer un pont par la culture et l'éducation avec les peuples premiers de la Sierra Nevada" ou un "Aider à la reconnaissance, la préservation et la transmission de la culture de ces peuples, en particulier des indiens Koguis". Alors on me demande: "Mais concrètement ?". J'explique alors notre projet de documentation audio-visuelle, commencé par la fête traditionnelle d'été des Koguis, ou celui du centre culturel. Mais il faut reconnaître que cette réponse est incomplète. Incomplète car la réalité, les demandes et les nécessités que nous expriment les Koguis avec qui nous travaillons sont en mouvement constant, un dynamisme vivant qui demande une remise en question, une adaptation et un réajustement permanent de notre pensée, notre travail et nos actions. Ce n'est probablement pas évident à comprendre depuis la France ou l'Espagne. Tout comme il n'est pas facile d'expliquer la demande que nous a faite le mamá kogui Juan Conchacala il y a presque deux ans : retrouver des plumes de certains oiseaux devenus aujourd'hui rares ou inexistants dans la Sierra Nevada. Elles jouent un rôle central dans certaines danses réalisées dans les villages "principaux" situés dans les zones hautes de la Sierra, dans les jours qui suivent le solstice d'hiver. Le mamá nous retransmettait une demande des "mamás mayores" de la "capitale spirituelle" de la Sierra Nevada de Santa Marta. Une demande très importante pour eux, qui touche au sacré.

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             Couronne de plumes Koguie abîmée

Pourtant, comment expliquer cela à un organisme de financement ou même à notre assemblée générale ? Nous sommes loin du quotidien parisien et des manifestations des gilets jaunes ou même d'une approche classique de l'écologie... C'est probablement pour cela qu'il m'a fallu autant de temps pour écrire ce billet, pourtant déjà esquissé à la fin d'une publication de décembre 2017 où nous évoquions ces autres projets ponctuels portés par la nécessité.

De l'Amazonie à la Sierra Nevada

Comment aussi trouver ces plumes ? Il s'agissait tout d'abord de certaines plumes de grands perroquets et d'un oiseau de la guajira appelé "pajaro cardenal".

De retour sur Bogotá, alors que j'étais pensif mais déterminé sur cette demande dont j'avais perçu l'importance et la profondeur, un homme surgit du trottoir et me demande de le prendre en photo devant un massif de fleurs. Je prends la photo et la discussion s'engage rapidement. Il s'appelle Edgar Segarra, il est artiste-peintre d'origine équatorienne. Il a repris la peinture mais me raconte qu'il avait mis entre parenthèse sa production artistique quelques années pour cheminer au côté de différentes ethnies indiennes, en particuliers celles d'Amazonie équatorienne. Il me raconte comment ce cheminement personnel lui a permis d'approfondir sa recherche artistique. Je lui parle alors de LA SEMILLA, des Koguis, des plumes... Rapidement, la discussion prend un tour enthousiaste et passionné. Naît alors l’idée folle qu'il parte quelques semaines en Équateur pour reprendre contact avec ses anciens amis indiens et partir à la recherche de ces plumes. Un voyage épique à Quito, puis Cuenca et finalement la forêt amazonienne, de concert avec les indiens Shuar, Achuar et Cofanes qui se fera peu après. Je suivrai l'expédition à distance, par téléphone: elle est pleine de rebondissements et il serait difficile de tout raconter ici. De cette recherche des plumes, Edgar en fera même un tableau qu'il nommera "Vida" (Vie) et qu'il offrira spontanément au Président de la République d’Équateur (Lenin Moreno), rencontré "par hasard" lors de sa venue pour la célébration de l'Indépendance à Cuenca ! (*)

Edgar_y_Lenin_Moreno.jpg Edgar Segarra avec le tableau "Vida" et le Président Lenin Moreno

Finalement les plumes se laisseront approcher et seront remises à Edgar par les indiens: plusieurs couronnes, deux ailes complètes magnifiques et des plumes "en vrac". Un bel échange entre des ethnies indiennes éloignées et qui ont encore conservé une culture millénaire: de l'Amazonie et la Sierra Nevada de Santa Marta, des poumons du monde et du cœur du monde... Tout n'est pas encore fait pourtant car les plumes sont encore d’Équateur. Mais de rencontre en démarche et nous obtenons juste à temps l'autorisation de sortie du pays par la "Dirección de riesgos del patrimonio cultural" de la République d’Équateur (la veille du départ d'Edgar...).

autorizacion_plumas.jpg

Les plumes arrivent alors à Bogotá, peu de temps avant un de mes voyages pour la Sierra. Nous sommes fin 2017 et le voyage épique continue jusqu'à Yinkuamero où le mamá Conchaca nous accueille. Il sait que nous avons les plumes. Comme d'habitude, la communauté met à notre disposition une maison du village, où nous tendons nos hamacs et allumons un feu pour nous restaurer et nous reposer un peu après ces longues heures de marche. Le soir, le mamá vient nous rendre visite. Je sors alors le carton de mon sac à dos, que je n'ai pas lâché d'une semelle de tout le voyage. Sous la lueur du feu je les présente au mamá, les ailes d'abord, bleues à l'extérieur et jaunes à l'intérieur, les couronnes ensuite avec de grandes plumes rouges au centre, puis un sac de plumes de perroquets, plus petites. Le mamá les prend et les observe une à une, sa concentration est intense. Puis, il me regarde, je le regarde dans les yeux et lui souris. J'arrive à peine à dissimuler une pointe de fierté pour avoir réussi cette "mission impossible" mais je ne dis rien. Alors il reprend les plumes une à une, en disant en espagnol "Celles-ci ne nous servent pas, celle-là non plus, et non plus.". Puis il me regarde intensément dans les yeux et me dit en espagnol sur un ton on ne peut plus sérieux :"Alors que fait-on ? On les brûle ?". Ma respiration se coupe et je manque de m'étouffer. Un long silence. Puis je lui dis :"C'est la chose la plus difficile que nous ayons eu à faire depuis le début.". Il reprend les plumes à nouveau, les repasse en revue et me dit: "Celles-là nous allons les utiliser pour la fête ici, celles-ci iront à notre capitale spirituelle.". Le mamá a piqué mon ego sur sa pointe et a testé ma patience. Il rigole alors de la peur qu'il m'a donnée. Cela fait partie de ces petites "mises à l'épreuve" dont parlait Carolina Ortiz dans l'article précédent... Le lendemain, nous irons sur un site sacré (un "eshuama" en langue Koguie) pour remettre "officiellement" les plumes. Le moment est solennel et intense...

Remise_plumes_mama.jpg

       Remise d'une des couronnes de plumes au mamá Juan Conchacala

Lors d'autres voyages, nous aurons l'occasion de remettre au mamá d'autres types de plumes, d'Ibis rouges notamment, récoltées dans la région colombienne d'Arauca grâce à l'aide de mon voisin et ami Pedro. Plusieurs fois, le mamá Conchacala me dira: les mamás d'en haut te remercient et te saluent. Seules les plumes de "pajaro cardenal" n'ont pas encore été trouvées.

Des pierres

Si les plumes servent pour des danses sacrées visant à rétablir les déséquilibres de la nature, les pierres - qui pour les Koguis sont vivantes - peuvent servir aux mamás à de nombreuses occasions que nous sommes bien loin de connaître dans le détail. Les quartz par exemple servent pour le travail sur l'eau et sont selon les Koguis les "gardiens de l'eau". On peut d'ailleurs mentionner un court-métrage colombien très intéressant sur ce sujet : Corazón de agua. Mais les mamás Koguis utilisent aussi de nombreuses pierres qu'on ne trouve pas en l'état dans la nature. Ils nous expliquent qu'elles leur ont été transmises par leurs ancêtres mais qu'eux ont perdu la connaissance pour les faire. Certaines d'entre elles ont par exemple des formes de cylindres percés par un trou parfait et on se demande bien comment elles ont pu être réalisées. Il y en a de nombreuses sortes. Nous n'en montrons ici que quelques-unes:

selection_pierres.png

Je n'entrerai pas plus dans les détails ici mais je soulignerai juste que lorsqu'un mamá a terminé sa formation, qui peut durer jusqu'à plus de 18 ans pour les "mamás mayores", la première chose qu'il reçoit c'est justement ces pierres. Or, du fait que nombre de ces pierres revêtent un caractère "archéologique" et ont aujourd'hui une valeur commerciale dans "notre monde", beaucoup ont été volées, ou pillées sur des sites sacrés ou même dans des sépultures. Le mamá nous a redit récemment que les mamás mayores d'en haut ont exprimé de nouveau leur besoin d'en récupérer plus pour pouvoir réaliser leur travail : soigner la Sierra pour soigner la Terre... Comment allons nous faire pour répondre à cette demande ? Nous ne savons pas encore...

Récupérer les trésors volés

Au-delà des pierres, les Koguis, comme beaucoup de peuples autochtones se sont vus voler et piller de nombreux objets, pour eux sacrés et avec des rôles spirituels précis: des masques, des objets en or, etc. Souvent, ils ont été pris dans des sépultures ou des lieux sacrés qui ont été pillés. Que dirait-on si des gens venaient dans nos cimetières piller les tombes de nos ancêtres ? C'est pourtant de là que viennent beaucoup de trésors archéologiques qui finissent derrière des vitrines dans des musées ou dans des collections privées. On dit que l'histoire est écrite par ceux qui gagnent les guerres et - en tant qu'européens - nous n'avons pas ou peu conscience de ce fait. Il m'a fallu du temps pour mesurer et comprendre la violence de ces actes et le rôle central que jouent ces objets sacrés dans le travail que font les Koguis et bien d'autres cultures autochtones. L'idée de restitution - tellement évidente lorsqu'on y réfléchit - est pourtant presque nouvelle. Mais des initiatives commencent voient aujourd'hui et enfin le jour. La France a récemment commencé à parler de restitutions vers l'Afrique. Il y a trois ans, une collectionneuse belge (Dora Janssen) restituait aux Koguis par l'entremise de l'association Tchendukua, des objets précolombiens. Un changement de paradigme et le début d'un chemin de respect et de reconnaissance qui pourrait bénéficier à tous...

(*) Il faut préciser que la remise du tableau au Président Lenin Moreno a été faite à Cuenca de manière réelle symbolique. Le tableau est toujours à Cuenca. Actuellement, notre association, avec Edgar Segarra, est en train de se rapprocher de la Présidence de la République d’Équateur pour organiser une remise officielle et célébrer au passage ce bel échange entre deux pays, la Colombie et l’Équateur, et des ethnies indiennes apparemment éloignées mais avec un même lien organique avec la nature.

vendredi 14 décembre 2018

Rendez-vous en Terre Koguie

Le 4 décembre dernier, la télévision française a présenté le programme « Rendez-vous en terre inconnue » qui emmène en général une personnalité dans une communauté "exotique". C’était pour l'animateur Frédéric Lopez le dernier programme d'une série commencée en 2004 et devenue un des programmes préférés des Français. Pour sa dernière, l'animateur a choisi d'emmener l'astronaute Thomas Pesquet dans le territoire des indiens Koguis, dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, dans laquelle notre association travaille.

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Beaucoup de gens ont vu ce programme. Certaines personnes de notre entourage nous ont demandé : "Mais cette émission, elle montre vraiment les choses telles qu'elles sont, elle est fidèle à la réalité, qu'en penses-tu ?...". Comme il est vrai que c'est la première fois qu'une émission avec une audience aussi large parle des Koguis (parfois "Kogis" ou "Kaggabas"), nous donnons donc ici la parole à la chercheuse Carolina Ortiz Ricaurte, ethnolinguiste spécialiste en langue et culture Koguie depuis 1984 et à Stéphane Labarthe, président de notre association, basé en Colombie et qui va régulièrement leur rendre visite...

L'avis de Carolina Ortiz Ricaurte (chercheuse, Ethnolinguiste chez les Kogui depuis 1984 et membre de notre association)

Très intéressant, ce programme. Un véritable dialogue des cultures, où les Français essayaient de comprendre les Koguis, par le biais de cette famille qui les a reçus, et les Koguis essayaient de comprendre la culture française par le biais de ces personnalités. Dans ce dialogue culturel, les participants ont joué. Le verbe "jouer" ("jugar") en espagnol a comme sens premier celui de « s’amuser », et je le dis avec ce sens. Jouer en français a aussi le sens de "tenir un rôle", dans une comédie ou un drame, mais par extension aussi dans la comédie humaine. Je donne aussi ce sens français au verbe jouer. Et ils l’ont très bien fait, ils ont joué avec beaucoup d’habileté. Les Koguis se sont amusés à faire travailler très dur les Français, dans leur façon d’utiliser la force par exemple : ils les ont fait déplacer le pressoir à canne à sucre, travail que font normalement des bœufs, des ânes, des mules ou des chevaux ; et il semble que les Français ont exagéré leur rôle de stoïques, en l'acceptant. En tout cas, ils se sont avérés avoir une grande endurance, et c’est cela que mesurent les Koguis avec leurs épreuves. Cela faisait aussi partie du jeu. De leur côté, les Kogui ont eu beaucoup de difficultés à comprendre comment on peut voyager dans l’espace et voir la terre d’en haut. L’explication devant les caméras n’était pas non plus très claire. Les images que leur a montrées Thomas n’étaient pas très éloquentes pour eux. Cela faisait aussi partie du jeu.

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Les Koguis pratiquent une religion dans laquelle la fertilité-maternité est primordiale, et où le sens profond de la vie est de protéger la Terre-Mère. La Mère est omniprésente. En Occident, nous dirions que c’est une pensée « écologiste », mais elle va bien au-delà de l’écologie.

Je crois que le programme a été un succès pour les Français et les Koguis. Eux tous ont fait passer leur message. Le message que les Koguis nous ont envoyé est de prendre soin de la terre. Elle est notre mère. Elle est généreuse et nous donne la nourriture, et apaise notre soif. Elle nous donne refuge, nous obtenons d’elle les matériaux de construction pour nos maisons, et le coton pour nous habiller ; elle nous donne tout, et nous devons lui être reconnaissants et danser et chanter pour elle, et surtout, prendre soin d’elle, parce que si nous ne le faisons pas, nous allons provoquer sa fureur qui nous apportera beaucoup de maux (inondations, tempêtes, volcans, ouragans, tremblements de terre, etc.). La terre ne fait pas que donner, elle réclame également des soins. Nous devons le comprendre.

Merci à Frédéric Lopez pour son dernier « Rendez-vous en terre inconnue ». Je regrette que cela ait été son dernier programme, j’en ai vu certains et je les ai tous aimés. Merci également à Thomas Pesquet, qui s’est avéré avoir une grande tempérance. À eux deux, ils ont réussi quelque chose de très intéressant. Merci également à l’équipe, parce qu’elle nous a offert quelques belles images de la Sierra, du village Kogui de San Francisco et des chemins. Très bonne équipe technique.

Les impressions de Stéphane Labarthe (président de LA SEMILLA)

Globalement, j'ai été agréablement surpris et même par moments ému de ce qu'une émission à grande écoute réussisse dialogue et transmission d'une culture aussi lointaine, complexe et profonde que celle des Koguis. L'attitude humble et respectueuse de Frédéric Lopez et Thomas Pesquet y est probablement pour beaucoup. Elle est d'ailleurs annoncée dès le début du programme par ces propos de l'animateur : "C'est un peuple hors du commun qui a une relation avec la nature, avec l'espace et avec l'Univers. Depuis le début de Rendez-vous en terre inconnue, on n'a jamais rencontré un peuple qui a une vision aussi claire de l'équilibre nécessaire à la vie sur terre.".

Alors certes, il y a des scènes qui sont un peu jouées comme le dit Carolina, et parfois des approximations dans la difficile compréhension de la vision du Monde qu'ont les Koguis. Par exemple, la notion de Mère ("Hava" en Kogui) et de "Père" ("Hate"). Selon ma compréhension, pour les Koguis, toute chose a une origine spirituelle, qui se décline en une partie féminine, la Mère, et une partie masculine le Père, en équilibre. Ainsi, chaque chose a une Mère et un Père et il existe une Mère Universelle ("Seineken") et un Père Universel ("Seyankua"). Cette vision se retrouve par exemple dans une des vidéos que nous avons mis en ligne où le mamá Kogui Juan Conchacala explique : "Comment pouvons-nous imaginer vivre dans un monde sans eau ? Nous autres, savons encore comment payer le Père et la Mère de l'eau. Nous faisons des paiements. Ces paiements ne sont pas avec de l'argent. Nous payons la Mère et le Père sur un plan spirituel.". Notre société occidentale, en revanche, a perdu beaucoup de cette part "féminine", qu'on trouve encore dans les cultures orientales (le Yin des Chinois ou le prakriti des hindous) . Cela se retrouve depuis ce qu'il reste de nos conceptions religieuses avec un "Dieu le Père" masculinisé - alors que la Genèse évoque pourtant un Dieu "mâle et femelle" - jusqu'à notre architecture qui privilégie la ligne droite et les angles droits au cercle et à la courbe. Et il faut reconnaître que l'égalitarisme des sexes et nos tentatives de parité restent une vaste farce dans une société où l'immense majorité de nos dirigeants, qu'ils soient politiques, religieux, économiques et financiers restent des hommes conseillés par des hommes et où le peu de femmes qui sont présentes ont parfois renié leur féminité pour devenir des Margareth Tatcher ou des Angela Merkel... Alors on me dira que cette émission montre peu le monde des femmes chez les Koguis et leur place réelle, et c'est vrai. Elle montre peu le tissage des mochilas, ne montre pas la "nuhée" des femmes ou le rôle important des "sagas" (autorités spirituelles féminines ; littéralement "mama" signifie "soleil" et "saga" signifie "lune") dans les processus de décision. C'est normal car nos deux visiteurs sont des hommes et il leur était donc plus difficile d'accéder à cette partie de la culture Koguie.

Mais une émission de ce type ne pouvait pas ni ne devait pas tout montrer. L'important est que les rapports humains établis petit à petit par Thomas Pesquet et Frédéric Lopez, les images, les paroles des Koguis aient finalement permis de faire passer beaucoup de choses. Un autre rapport au temps, des longues conversations dans la nuit qui recherchent un dialogue véritable et profond et un accord unanime, une relation organique et équilibrée avec une nature encore préservée, une force intérieure qui a permis aux Koguis de traverser une histoire récente extrêmement difficile, etc. Et au final, une nécessité commune exprimée dans ce moment de dialogue après que Thomas Pesquet ait montré les photos de son voyage dans l'espace : protéger et se faire responsable de notre Planète sur laquelle nous vivons tous...

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Merci donc à Thomas Pesquet, Frédéric Lopez et son équipe, pour ce travail.

Pour celles/eux qui sont intéressé(e)s le programme est visible ici.

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